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Tranche de diaporama

J'avais un vieux... à Verdun
par Laure Gigou


Ce diaporama a été conçu, par moi, Laure Gigou, au sein de l'Atelier Interclub Diaporama Languedoc-Méditerranée. Ce n'était pas mon premier diaporama. Il est habituel dans ce club de venir présenter des projets et de les améliorer à la suite des avis des membres. Cette conception de la réalisation ne correspond pas à un travail d'équipe, c'est un travail individuel qui accepte le regard des autres et tient compte de leur avis soit en modifiant le projet initial, soit en gardant ce projet. L'auteur reste maître de son œuvre. C'est également l'esprit rencontres PTT (Objectif Images) qui ont lieu en octobre.

Je vais donc vous raconter l'évolution de ce diaporama.

Quand?

Les trésors du grenier :
J'avais trouvé dans le grenier de mes parents des objets qui appartenaient à mon grand-père que je n'ai jamais connu. Il y avait là un râtelier de pipes plus ou moins sophistiquées, ainsi que plusieurs montres à gousset. Et à côté des fragments d'ogives d'obus, un morceau de fil de fer barbelé, son livret militaire, son casque, son épée... Mais il y avait surtout beaucoup de cartes postales, plus de 200. Dans un autre carton, il y avait des jouets : un char Renault, des soldats de plomb...

J'avais trouvé cela très intéressant, je dirai même émouvant. Quand on lit les cartes postales, on voit tout le drame qu'ont pu vivre ces familles déchirées par ce conflit.

Léon, mon grand-père, parti à quarante ans sur le front a vécu plusieurs drames personnels. La perte de sa mère en 1915, la perte de sa femme en 1916. Il avait deux enfants, l'aîné, Maurice, mon père, né en 1905, le cadet, André, né en 1908. Il avait une sœur institutrice célibataire, Alice.

Malgré tout ce qu'il pouvait souffrir sur le front, sa correspondance est pleine d'optimisme et pleine d'entrain vis-à-vis de sa femme et de ses enfants.

En voici quelques exemples. Lorsqu'il devient officier, il apprend à monter à cheval et il écrit : " Je t'envoie cette carte postale qu'on vient de me donner. Hier j'ai fait ma première sortie à cheval. À bientôt une photographie. Je t'embrasse bien tendrement, ton papa " puis : " Mon cher André, J'ai reçu un bien joli paquet dans lequel il y avait une barre de nougat troué artistement avec un ruban aux couleurs des Alliés avec le nom d'André écrit sur le papier. Qu'il m'a paru doux et excellent, et quelle bonne surprise ! Merci mon fils. Avec le ruban, je vais faire des papillotes à la crinière de mon cheval. "

Mais il y a des cartes bien plus émouvantes : 26 décembre 1915: "Mes chers enfants, Je voudrais bien savoir si le bonhomme Noël, malgré les horreurs de la guerre a fait sa tournée habituelle et s'il a pensé à vous ? Puisque vous avez 11 jours de vacances, je pense que vous aurez chacun le temps de m'écrire, cela me fera bien plaisir. J'avais demandé au bonhomme Noël de mettre dans mon soulier un petit bout de billet où il y aurait simplement la date de la fin de la guerre et de m'indiquer le jour où je pourrai vous embrasser avec la certitude de ne plus vous quitter... Mais il n'a pas daigné me répondre. Gros baisers ainsi qu'à maman".

Léon fait son devoir : "Commandant de la Compagnie d'extrême-gauche de la première ligne a, par son calme, son sang froid, son exemple, sa belle attitude sous le feu, contribué à empêcher l'ennemi de descendre dans le village de Malencourt et à le maintenir sur la crête du mamelon d'où il a vraiment essayé de déboucher. A fait preuve de réelles qualités militaires en communiquant des renseignements d'une très grande importance." Signé Philippot.

Léon écrit le 23 avril 1916 une de ses plus belles cartes. Transparaît tout son amour pour sa femme, très malade, qui va mourir le 6 juin 1916. "Ma chère Hélène, Pâques, la fête de l'allégresse. Quoiqu'il fasse très beau, que les grenouilles coassent dans les mares au milieu des dunes de sable, je suis bien loin d'avoir l'âme allègre. Une telle distance nous sépare et je voudrais tant être auprès de toi. Mille bons baisers." signé Léon.

Léon est alors soigné pour asthénie et dépression. Mais il n'est libéré de ses obligations militaires que le 8 janvier 1919. Revenu malade, il élèvera ses enfants avec l'aide de sa sœur, sans se remarier et mourra en 1939.

L'idée du diaporama :
J'ai entendu cette chanson en 1987 (elle datait de 1979) et ça m'a donné l'idée de l'illustrer avec des documents que j'avais de mon grand-père. J'y ai pensé au moins pendant trois ans. Puis un jour j'ai présenté une première illustration de la chanson à l'Atelier Interclub Diaporama. La version définitive date de 1991.

La première ébauche comportait la reproduction brute de nombreux documents familiaux, mais il n'y avait pas le " Petit Vieux ", ni la cérémonie du 11 novembre. Il s'agissait de la version avec comme départ de son, la mitrailleuse. Au club nous avons des militaires qui m'ont précisé que la mitraillette n'existait pas, telle que je l'avais sonorisée.

Au club, ils ont trouvé l'idée intéressante, mais il manquait un ancien combattant. Quand j'ai projeté ma version, c'était le 8 novembre 1989 ! Le 11 novembre, je suis partie à Lodève car je savais qu'il y avait un ancien combattant de 14 qui défilait encore. Il avait 94 ans, c'était Auguste Merle. Il est mort deux ans après. Ce jour là, il tombait une petit pluie fine et j'étrennais mon 801 avec son zoom 80-200. Comme je ne le maîtrisais pas, j'ai fait tout en automatique. Coup de pot, ça a marché !

J'avais aussi enregistré la fanfare. J'ai pris de nombreuses photos qui ont intrigué les autorités et un peu tout le monde. Mais j'étais connue dans cette ville puisque j'étais la conservatrice du musée et, en tant que telle, je faisais partie des autorités invitées.
Quinze jours après, j'ai présenté une seconde version de Verdun avec mon " Petit Vieux ", mais aussi avec le défilé du 11 novembre et les canards de la musique en préambule.
Nouvelle critique du club. Le vieux d'accord, mais pas la musique ni le défilé.

Comment ?

Mon problème était le préambule. Je voulais présenter mes archives, les jouets de mon père, les petits soldats de plomb, le casque du grand-père, enfin tout ce qui pouvait me rappeler ce grand-père que je n'avais pas connu. Or la chanson est très abrupte, elle débute sans préambule musical. J'ai cherché longtemps puis un jour je suis tombée sur la version piano de "Tableau pour une exposition de la Grande Porte de Kiev" de Moussorgsky et je me suis aperçue que les notes et le rythme correspondaient parfaitement à la mélodie de la chanson.

Bien sûr le choix de cette musique a été critiqué par le club car elle est très connue, mais la liaison parfaite avec la chanson l'a emporté sur les critiques.

La version presque définitive de "J'avais un Vieux... à Verdun" était terminée. La bande musicale réalisée, les modifications n'ont porté que sur des détails de reproduction photographique des documents. En tout sept versions avant d'arriver à la définitive.

Il faut noter que certaines vues des ruines étaient particulièrement jaunies et presque illisibles. il m'a fallu de longues heures de laboratoire avec reproduction au trait, contre-type puis virages et duplication pour arriver à tirer des vues correctes. Il y a parfois des sandwichs, mais aussi des surimpressions, surtout quand il s'agit des textes en négatif sur fond de montre par exemple.

L'original en haut à gauche, très pâle est reproduit au film trait pour augmenter les contrastes, puis contretypé avec le même film pour faire un positif. Les deux sont virés en laboratoire et associés légèrement décalés pour faire un paraglyphe. Les essais sont aléatoires. Aujourd'hui ces opérations sont plus faciles avec un logiciel photo.

Ici même opération à partir de la carte postale et différents résultats.

Le champ légèrement tinté
Le dessin traduit en négatif et reproduit en surimposition sur le fond de champ. On reproduit d'abord le négatif avec un dupli et un appareil qui permet les superpositions (FM2 par exemple) puis on reproduit le champ.
La montre au naturel à gauche et la montre photographiée avec un filtre bleu et rouge à droite.
J'ai reproduit les textes avec une photocopieuse en les agrandissant et en les repassant à l'encre noire tout en éliminant avec le blanc les taches et autres salissures. Et ensuite je les ai pris en photo avec un négatif au trait.
Pourquoi ?

En réalité, ce montage était un souhait personnel, la chanson me plaisait et je trouvais le moyen d'utiliser les documents familiaux. J'avais pensé qu'il ne sortirait pas du cercle de famille, mais très vite, surtout après son succès à Épinal, j'ai pris conscience que le grand-père que j'avais présenté dans mon montage, n'était pas le mien, mais celui de tous les Français et même sans trop d'orgueil, vu le succès qu'il a rencontré à l'étranger, mon grand-père pouvait être le grand-père de tout le monde.

D'ailleurs pour moi la dernière photo est une photo symbole présentant la date de toutes les guerres françaises du XXe siècle. Elle laisse un doute sur la fin du grand-père. Le mien n'est pas mort à la guerre, mais des suites de la guerre en 39.

Je n'avais donc au départ aucun message à donner, ni aucune volonté de faire parcourir le monde à mon montage !


Avertissement : Le diaporama numérisé "J'avais un vieux... à Verdun" accessible en téléchargement a été compressé au maximum. Il y a donc une nette détérioration de la qualité de l'image, un peu moins du son. Il ne faut pas juger le résultat des diaporamas numériques sur PTE d'après ces diaporamas téléchargeables, ce serait une grave erreur.



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